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30/11/2018
L'art religieux à l'épreuve du temps
A Namur, une exposition temporaire met en scène des trésors médiévaux classés en Flandre et en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’occasion de poursuivre une réflexion rigoureuse sur la préservation du patrimoine de nos régions.
Les amateurs d’art religieux sont gâtés cette année, grâce à des expositions de qualité qui mettent en valeur le patrimoine artistique de nos régions. Commissaire de l’exposition namuroise ''Move-Remove. Topstukken-Trésors classés'', Fiona Lebecque précise les trois critères qui ont prévalu au choix des œuvres sélectionnées: ''elles doivent avoir été réalisées au Moyen Age, être conservées en Belgique et classées par la communauté linguistique dont elles dépendent. Le patrimoine mobilier est, en effet, du patrimoine communautarisé. En Fédération Wallonie-Bruxelles, on parle de trésors classés, tandis que ce sont les topstukken en Flandre. Les pièces sont protégées grâce à ce statut; leurs déplacements ne sont permis qu’avec une autorisation ministérielle, ce qui rend les procédures longues!'' Il arrive qu’un prêt soit refusé en raison de la fragilité de l’œuvre. Ainsi en est-il du manuscrit de l’Apocalypse, conservé au grand séminaire de Namur. Trésor de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il n’a pu être déplacé. Dans le cas des manuscrits, un principe de précaution prévaut désormais à leur exposition à la lumière. En effet, un manuscrit doit être au repos trois ans pour compenser trois mois d’exposition. Par ailleurs, certaines pièces ne peuvent être retirées de la collection permanente à laquelle elles appartiennent, au risque de mécontenter les visiteurs occasionnels ou de créer une faille dans la scénographie, qui repose en grande partie sur elles. ''On ne classe pas une œuvre juste parce qu’elle est belle! Elle doit être un témoignage exceptionnel et représenter un jalon important en termes d’histoire de l’art. En contrepartie d’une immobilisation, les gouvernements aident au financement de la restauration et de la conservation de la pièce.''

Une prise de conscience collective
Pour qu’une œuvre parvienne jusqu’à nous, la conjonction de circonstances favorables entre en jeu. ''Il faut la rencontre d’une série de personnes qui ont les moyens de mettre en œuvre la conservation. Car le démembrement, la destruction, la transformation et le remploi guettent les pièces, aussi précieuses soient-elles. Des œuvres médiévales, il ne reste pas toujours grand-chose. Par exemple, un retable pouvait appartenir à un ensemble et former un grand retable. L’œuvre acquiert un statut indépendant qu’elle n’avait pas à l’origine.'' Des verres précieux se retrouvent transformés en vases-reliquaires ou de magnifiques peintures sur panneaux reléguées en portes de placards. Dans le même état d’esprit, les copies de peinture n’étaient pas considérées au Moyen Age sous l’angle d’un manque d’authenticité ou d’originalité, mais plutôt comme ''un apprentissage, une forme de respect, une manière d’avancer en termes de technique''. L’intérêt du classement est ''d’empêcher l’exportation de la vente et d’immobiliser la pièce où elle se trouve, en évitant les dérives''. Ainsi, la châsse de Saint-Maur, ancienne propriété de l’abbaye de Florennes, ne se trouverait-elle pas en Tchéquie si elle avait bénéficié, en son temps, d’un classement. Probablement vendu pour réparer les cloches de l’église, le reliquaire mosan du XIIIe siècle suivit au XIXe siècle ses nouveaux propriétaires en République tchèque, où il est désormais considéré comme un trésor national, après les joyaux de la couronne! Après la Deuxième Guerre mondiale, de nombreux pays européens ont réalisé l’importance de préserver le patrimoine mobilier. Toutefois, la mise en place de mesures de protection s’est avérée longue! Les œuvres conservées dans les musées profitent désormais d’une ''inaliénabilité'' qui les rend impropres à la vente. Le rapport au patrimoine a connu, ces dernières décennies, une profonde métamorphose, avec l’excès inverse du Moyen Age, où ''beaucoup d’œuvres étaient remises au goût du jour, afin d’être dignes de l’autorité à laquelle on les offrait''. Un dilemme se pose aussi lorsque les œuvres circulent, par exemple, lors des processions. Chaque sortie en public représente une prise de risque à évaluer. Et pourtant, leur interdire de sortir des édifices où elles sont protégées des intempéries et des aléas des expéditions reviendrait à priver les fidèles d’une part de leur patrimoine et de leurs traditions. ''Il faut trouver un compromis entre la protection face à la pluie et un portage qui limite les vibrations. La pièce doit continuer à vivre, tout en passant aux générations futures'', précise Fiona Lebecque.

Des vecteurs d’émotion
Collaboratrice scientifique et conservatrice adjointe à la Société archéologique de Namur, Fiona Lebecque se définit comme ''une raconteuse d’histoires''. Et son intérêt est perceptible pour les matières, les couleurs, les formes des objets mis en scène. S’adapter au public des visiteurs, qu’il s’agisse d’écoliers en visite scolaire ou de gens bénéficiant de l’article 27, voilà un défi qui retient son attention lors des visites guidées où elle cherche à ''trouver la pièce qui touche''. Dans cet esprit participatif, un petit atelier permet d’appréhender les différentes techniques d’orfèvrerie, par le biais d’éléments à toucher ou à reproduire sur une plaque de métal. Convoquer le sens du toucher ancre la découverte dans une dimension plus personnelle. De la même manière, les numérisations permettent ''de rentrer dans la matière, faire sentir le geste de l’artiste qui a travaillé, montrer la maîtrise technique et la diversité des matériaux''. L’accueil de visiteurs à une exposition temporaire représente aussi l’opportunité de les inciter à découvrir l’exposition permanente de l’institution muséale. Ainsi, sur la cinquantaine de pièces qui compose le Trésor d’Oignies, seules quelques-unes figurent dans l’exposition ''Move-Remove''. Libre à chacun de poursuivre la visite!

''Un patrimoine exceptionnel en mouvement''
Parmi les pièces précieuses, les reliques occupent une place à part. ''Qui possède la relique, possède le pouvoir'', rappelle la conservatrice adjointe. Et celle de la vraie croix conservée dans la basilique de Walcourt vaut le détour par la magnificence qui la caractérise. ''Le culte des reliques fait partie de l’histoire des gens'', quels que soient les résultats des analyses menées grâce aux nouvelles technologies. Leur apport permet notamment de ''retracer les routes d’une époque'' et d’envisager les échanges commerciaux qui eurent lieu. C’est ainsi que les déplacements et le commerce de pièces entre institutions religieuses furent fréquents dès la fin du XVe siècle. Au nombre des déplacements figurent les matières premières, dont le chêne. En pénurie en Flandre, ce bois dû être importé par voies d’eau depuis les pays nordiques. Deuxième illustration avec le marbre blanc originaire des carrières de Méditerranée qui permit ''un rendu précis avec beaucoup de détails''. Enfin, l’ivoire en provenance d’Afrique se retrouve dans des pièces ouvragées, quelquefois monumentales.

Une campagne de numérisation
Afin de rendre davantage accessibles les châsses classées au patrimoine de la Fédération Wallonie-Bruxelles, six d’entre elles ont été numérisées en trois dimensions et haute qualité. Comme le souligne Benoît Melebeck de la Société archéologique de Namur, la projection de ce travail minutieux au sein de l’exposition permet ''de bénéficier de l’iconographie et de comprendre la composition'' de ces œuvres monumentales et spectaculaires. Pour parfaire les connaissances des visiteurs et, surtout, les inciter à se déplacer dans la collégiale ou l’église où sont conservés les châsses classées, le guide du visiteur reprend des informations pratiques, y compris les horaires! Au-delà de cet aspect factuel, ce livret mérite une lecture attentive pour la qualité de ses explications. En guise de conclusion, un panneau retient l’attention avec 900 clichés d’œuvres volées, dont de nombreuses avaient bénéficié d’une restauration soignée… A côté des vols opportunistes (sans valeur estimée préalablement) ou ciblés (éventuellement sur commande) figurent désormais l’artnapping, le vol contre rançon, telle la croix byzantine disparue en 2008 à Tournai. Le patrimoine n’est pas l’affaire de quelques-uns, il relève de l’histoire collective. A chacun d’y être attentif!

Angélique Tasiaux (Cathobel)

L’exposition ''Move-Remove. Topstukken-Trésors classés'' est accessible jusqu’au 10 février 2019 au TreM.a, le musée des arts anciens du Namurois, rue de Fer, 24 à Namur. Du mardi au dimanche, de 10h à 18h, fermée les 24, 25 et 31 décembre et le 1er janvier 2019. Nocturnes le troisième jeudi du mois. www.museedesartsanciens.be – tél. 081. 77 67 54
Illustration (c) KIK-IRPA, Bruxelles

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